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Premier voyage

10 février- 2 mars 2011

Premier voyage

10 février-3 mars

2011

10 février 2011

Nous y voilà !​

A force de l’étudier sous toutes les coutures, on avait l’impression de connaître un peu Okinawa, avant même d’avoir posé les pieds sur l’île… Et bien, pas du tout ! Notre périple se limite pour l’instant à Naha, la plus grande ville (300 000 hab quand même), et déjà l’architecture chaotique, ses marchés couverts et SA grande avenue nous impressionnent !

Pour y voir plus clair, il nous fallait un guide, un vrai : Daniel, suisse d’origine et Okinawaïen d’adoption sera notre traducteur pendant ces 3 semaines de tournage. Depuis 8 ans sur l’île, il a eu sa petite notoriété en présentant une émission à la télé locale (ce matin, une petite vieille du marché l’a même reconnu !) mais il se consacre maintenant à la photo. Il connaît  l’île presque comme sa poche et nous sera d’une aide très très précieuse…

Découverte culinaire du jour : l'Omibudo, "le raisin de la mer" : une algue d'Okinawa, délicieuse paraît-il   avec un filet de vinaigre. On goûtera, on vous dira !

Une autre qui se limite pour l'instant au tableau de bord des voitures...

Et pour finir la soirée, un petit concert de musique traditionnelle dans une ambiance de folie (les litres d'Awamori (alcool de riz local) ingurgités à la table d'à côté n'y étaient pas pour rien...).

Tout va bien donc ! On est rentrés juste à temps pour éviter les trombes d'eau qui dégringolent du ciel... Ca devait pas être le printemps ?

11 février 2011

Kachan

Quelle rencontre ! Quelle soirée !

Kachan est une figure emblématique du rock d'Okinawa (les meilleurs musiciens japonais, influencés par la culture américaine de l'île viennent d'ailleurs d'ici), complètement déjanté, connu pour ses diverses frasques sur scène (arracher une tête de Habu vivant (la vipère mortelle de l'île) avec ses dents, se balader à poil ou dans les tenues les plus folles...) mais aussi sa musique (son ancien groupe, Condition green, a marqué l'histoire musicale du coin et les militaires adorent ses reprises des grands classiques du rock US). Aujourd'hui, il a 65 ans, parait totalement épuisé mais n'a perdu ni de son humour ni de sa gentillesse...

Son bar, the Jack's Nasty reste un incontournable de Koza, le quartier où sortent les GI en permission le week-end. Mais ceux qui ont connu la vie nocturne des années 70 et son énergie trouvent le coin un peu triste à présent...

C'est aussi notre première rencontre avec de jeunes GI pas mal alcoolisés (le couvre-feu des bases est à minuit, ils ne perdent donc pas de temps) : dans l'ensemble, ils sont plutôt sympas à condition de ne pas trop les filmer, de ne parler que de musique et de choses totalement superficielles. Dès que l'on aborde des sujets plus sensibles (au hasard : leur présence sur l'île), ils se taisent ou fuient...

Entre deux averses, ce matin, on a aussi fait connaissance avec l'extrême-droite japonaise : le 11 février est un jour férié qui commémore la création de la nation japonaise. Pour appuyer leur message, des militants étaient présents à Chatan, l'American village, une grande zone commerciale qui réunit tout ce qui représente l'Amérique...

12 février 2011

Mao

La rencontre du jour, c'est avec Mao Ishikawa.

Mao est une amie photographe de Daniel, la "Nan Goldin" japonaise : dès les années 70, elle a photographié les nuits d'Okinawa City, les jeunes militaires, les prostituées philippines parmi lesquels elle a gardé pas mal d'amis. Son travail est à la fois cru et très sensible. Sa vision de l'occupation américaine est très intéressante : elle hait la guerre,  l'armée mais fait une grande différence entre les soldats à qui elle n'en veut pas et le gouvernement qui les dirige. Elle travaille actuellement sur des portraits autour du drapeau japonais. Elle nous emmène demain dans la baie d'Henoko, plus au nord de l'île, rencontrer des opposants à la présence américaine.

Si vous voulez voir ses photos c'est ici.

Et pour nous voir avec elle (ou voir son chat) sur son blog c'est par là.

Le soir, Daniel nous a fait découvrir le festival du quartier de Sakae Machi à Naha. Tous les mois, tous les petits commerçants de ce marché couvert se cotisent pour organiser des concerts. Le lieu est incroyable : un dédale de ruelles, des échoppes partout, une ambiance très bon enfant et de la TRES bonne musique. Au rang des découvertes de la soirées :

Obaa Rappers (les mamies rappeuses : rapport au rap, pas à leur pilosité...) : ce sont des commerçantes du quartier dont la plus âgée doit avoir 70 ans qui se sont lancé dans la musique et connaissent un joli succès dans tout le pays !

Restez attentifs! A la 36 ème seconde, elles disent "yo! yo!"

Et Maltese Rock : un mélange incroyable de Beirut et de Tom Waits pour la voix du chanteur, Mojito(!), qui lui aussi tient un restaurant dans le coin (avis aux amateurs, on ramène un CD!).

J'ai rarement vu une telle joie de vivre dans une fête de quartier, sur scène et dans le public ! C'est apparemment complètement ça, Okinawa...

14 février 2011

La baie d'Henoko

Dimanche, on a suivi Mao en direction du nord, vers la baie d'Henoko, pour filmer une de ses séances photo. Mais avant (et oui, ce site parle aussi de nourriture et pas seulement de musique !), Mao a absolument tenu à s'arrêter dans un tout petit resto en bord de route. Les Japonais sont capables de faire des détours de plusieurs kilomètres pour aller déguster un bol de nouilles ! Et ces Soba sont délicieuses !

Le ventre plein, les choses sérieuses ont pu commencer...
Avant tout, il faut savoir que 30 % de l'île sont occupés par des bases militaires US depuis la fin de la guerre. Celle qui pose particulièrement problème c'est celle de Futenma, située en plein coeur de la ville de Ginowan (bruit, crashs d'avions...) et les habitants se battent pour obtenir son déménagement en dehors de l'île. Les gouvernements se suivent mais le problème reste le même... Seule "avancée" qui n'en est pas une (et qui a coûté son poste au premier ministre Hatoyama en juin 2010) : déplacer Futenma à Henoko, endroit préservé où les gentils Dugongs, une espèce de mammifères marins menacés, s'ébattent joyeusement et ne survivraient pas à cette arrivée massive de GI.

La baie d'Henoko est donc devenu un haut lieu de la résistance okinawaïenne et c'est tout naturellement là que Mao a choisi de poursuivre son travail appelé Fences ("barrières") : elle demande à des Okinawaïens de venir poser devant la palissade qui cache les travaux de la future base en disant "fuck". Un acte en apparence vain face aux enjeux politiques internationaux mais à haute portée symbolique...

Patrick a accepté de poser pour Mao et sera le premier gajin ("étranger") de son travail ! Vu qu'on attend encore une très hypothétique réponse de l'armée US pour filmer dans une base, on publiera la photo un peu plus tard...

Ce qui est drôle c'est que dimanche, les promeneurs du coin ont été nombreux à passer sur la plage pour voir la palissade en construction (avant, c'étaient de simples barbelés...). Une sorte d'attraction touristique pour les Okinawaïens...

15 février 2011

Découvertes culinaires

La cuisine traditionnelle d'Okinawa est connue pour ses bienfaits (le fameux Pr Suzuki vous en apprendra plus très bientôt !) : une bonne raison pour faire vibrer nos papilles pendant ce séjour ! On ne parle pas ici de Kaseki (la haute cuisine japonaise) mais de plats simples et savoureux.

Le Goya, le concombre boursouflé d'Okinawa, très peu calorique et très bon pour la digestion. C'est vraiment un des emblèmes de l'île ! Son amertume s'atténue à la cuisson et c'est pas mal du tout mais il faut un peu de temps pour s'y habituer... La bière au goya m'a moins convaincue mais Patrick a adoré !

On a enfin goûté les raisins de mer, l'Omibudo : c'est beau, ça craque sous la dent et le goût est très délicat !

Contrairement au reste du Japon (Okinawa était un royaume indépendant jusqu'en 1872), on mange ici beaucoup de viande de porc mais on la fait cuire des heures et des heures pour la débarrasser de son gras.

Le problème, c'est que l'influence militaire US aidant, le porc a presque été entièrement supplanté par le SPAM américain dans certains plats traditionnels (comme le Goya Champuru). Ne reculant devant aucune expérience culinaire, on vous promet de goûter ! D'après ce que j'ai compris, ces boîtes de conserves qui envahissent les marchés et les boutiques renfermeraient un mélange compressé de toutes sortes de restes de viande... J'ai vu qu'il existait même un livre regroupant une centaine de recettes pour accommoder le SPAM (dont des sushis...) !

Dans le petit restaurant de Mojito, le musicien de Maltese Rock, on a goûté du "foie gras japonais" qui sont en fait des oeufs de poissons. Pas mal !

Par contre au menu, il y avait des sashimi de baleine... Soyez tranquilles, on n'y a pas touché !

Mis à part chez Mojito, la plupart des petits restos sont tenus par des papis et des mamies. On y mange très bien et pour pas cher (environ 700 yen (6 euros)). La retraite ne veut pas dire grand chose ici (à 60 ans, on est encore une jeune fille !) et le travail représente aussi un rôle social dont beaucoup ne veulent pas être privés.

16 février 2011

Saint-Valentin

Le 14 février, comme partout dans le monde, des couples ont mangé au resto en tête-à-tête les uns à côté des autres en se disant "je t'aime" à l'unisson...
On a préféré passé la soirée avec Daniel dans le petit resto de Mojito, en plein coeur du marché de Sakae Machi à découvrir toutes sortes de mets étranges !
Pour l'anecdote, j'ai eu droit à un petit cadeau (une boîte de bonbons) de la part de la jeune fille qui aide Mojito et Patrick a reçu des petits gâteaux... Tellement kawaï ! ;-)

Au Japon, comme aux Etats-Unis, on peut offrir à ses amis ou ses collègues de bureau un cadeau pour la Saint-Valentin sans que cela soit connoté. Par contre, d'après ce que nous a expliqué Daniel, si une fille fait un cadeau plus conséquent à un collègue, c'est qu'il y a anguille sous roche... Si le collègue est sur la même longueur d'ondes, il ne doit rien laisser transparaître avant le 14 mars. Là, il peut à son tour lui offrir un cadeau pour lui montrer qu'en effet, si elle est d'accord, y a moyen de moyenner...
Compliqué? Romantique? A vous de juger !

Allez, et une spéciale dédicace à tous les amoureux, ceux qui l'ont été et ceux qui le seront bientôt, signée encore une fois par le talentueux Mojito !
 

19 février 2011

Le Professeur Suzuki

Makoto Suzuki est un personnage incontournable d'Okinawa : envoyé dans l'île dans les années 70 pour y créer un dispensaire, c'est lui qui a découvert qu'il y avait beaucoup plus de centenaires ici que partout dans le monde et que surtout ils vivaient en bonne santé. Depuis plus de 30 ans, il poursuit une étude pour recenser ces centenaires et mieux comprendre leur mode de vie. Le "régime" Okinawa est en fait un mode de vie global : une bonne alimentation, de l'activité physique et surtout des réseaux d'entraide importants. Pas de secret, juste du bon sens...
Sauf que l'American way of life ne touche pas que les jeunes générations. Les vieux ne mangent pas de hamburgers mais leur façon de vivre a énormément changé.
Du coup, on continue à vivre très vieux à Okinawa et en bonne santé mais à l'approche des 100 ans, il arrive souvent que le corps et l'esprit se dégradent très vite. D'où la philosophie du Pr Suzuki (75 ans, un jeune homme !) : pourquoi vivre très vieux si ce n'est pas en bonne santé?

Je ne sais pas jusqu'à quel âge vivra Makoto Suzuki mais une chose est sûre : il n'arrête pas ! Il n'enseigne plus à l'université mais reçoit encore des patients à l'hôpital, dirige un centre de recherche sur la longévité, fait partie d'une association de "nouveaux aînés", est membre du Rotary, a écrit des bouquins, donne des conférences...
Il nous a conviés à une réunion de son association pour qu'on y fasse des rencontres. Un groupe d'hommes et de femmes entre 80 et 90 ans qui organisait ce jour-là avec beaucoup d'énergie la venue en avril de leur président national, centenaire. Tous les rôles étaient répartis : l'un s'occupait des billets, l'autre du parking, de prendre des photos, de faire un discours...
Je crois qu'on leur faisait de la peine à attendre dans un coin de la pièce. Du coup, ils nous resservaient sans cesse du thé et nous remplissaient les poches de trucs pas très Okinawa à grignoter !

Le soir, Suzuki nous a emmené avec lui à l'anniversaire d'un monsieur, Seisho Oshiro, qui fêtait ce jour-là ses 85 ans. C'est une étape importante, comme tous les 12 ans de la vie, juste avant la fin du cycle, fixée à 97 ans. Après cet âge, tout recommence !
C'est l'occasion de voir à quel point les liens sociaux sont importants. A Okinawa, pas question de souffler seul ses bougies devant la télé...
Comme à chaque fois, on a un peu été l'attraction de la soirée ! Ici, les gens sont très curieux, très ouverts, même s'ils trouvent toujours un peu étonnant qu'on vienne de l'autre bout de la planète pour filmer leur île.
Entre discours, danses traditionnelles, Kampaï ! (santé !) et chansons rétro, Patrick s'est littéralement fait enlever par une mamie pour faire vibrer le dancefloor !

Autre découverte de la vie okinawaïenne quelques jours plus tard : le Karaoké !
Le Dr Suzuki nous a pris sous son aile, impossible donc de refuser son invitation... Trois fois par mois, des membres de son association se réunissent pour dîner, boire et pousser ensemble la chansonnette. C'était drôle de voir cet éminent scientifique en chaussettes en train de chanter très joliment "Michelle, ma belle" des Beatles !

Autant vous le dire tout de suite : ce soir, on a massacré en bonne et due forme la chanson française... On a essayé de représenter dignement notre pays en choisissant parmi les 10 000 titres du catalogue japonais. Résultat : une prestation catastrophique sur la vie en Rose suivie d'une réinterprétation toute personnelle des Champs Elysées...
Au moins, maintenant, on peut expliquer le temps pourri qu'il fait depuis notre arrivée à Okinawa...

20 février 2011

Mao et les GI

Vendredi, c'était le pay day, le jour de paie pour les jeunes GI. Mao a donc choisi ce jour-là pour aller à leur rencontre dans les bars et peut-être faire de nouvelles photos.
Notre périple a commencé dans l'après-midi, sous les arcades désertes d'Okinawa city où Kachan a son bar. Mao nous a expliqué qu'ici dans les années 70, les hauts-gradés américains ont décidé de séparer les Blancs des Noirs pour éviter les bagarres, d'où l'existence à l'époque de véritables ghettos (aujourd'hui disparus), comme aux Etats-Unis... Mao traînait plus dans le ghetto noir. Elle y a fait pas mal de photos et lié toutes sortes d'amitiés et vécu de jolies histoires d'amour. Aujourd'hui, en journée, le coin a des airs de ville fantôme. A l'époque, les soldats US partaient en masse d'Okinawa pour combattre au Vietnam et en Corée. Selon Mao, ils dépensaient beaucoup plus, ne sachant pas s'ils reverraient un jour leur pays. Aujourd'hui, les soldats se sont engagés volontairement dans l'armée et semblent économiser leur argent pour plus tard.

En début de soirée, on a suivi Mao à Kin, une petite ville située en face d'une base US, où les jeunes GI n'ont qu'à traverser la route pour venir boire et s'amuser. Dans certains bars comme "le saloon", on trouve une ambiance 100% USA avec pintes de bière, jeu de fléchettes, westerns à la télé, affiches de cowboys et... du rodéo ! (Je suis une trouillarde aux yeux des p'tits GI mais tant pis, pas question de me casser le cou !)

Le fait d'être avec Mao nous a ouvert de nombreuses portes. Son approche est très douce et on n'a pas du tout ressenti les mêmes tensions que la semaine dernière. On a beaucoup discuté avec ces jeunes Américains, des gamins de 18-20 ans plutôt touchants qui voient ces deux ans à passer à Okinawa comme un job ordinaire. Si certains ont l'air sincèrement désolés de causer du tord à la population, la grande majorité s'en fout quand même complètement. Mao n'arrête pas de répéter qu'elle déteste la guerre et l'armée mais qu'elle aime ces jeunes.

Plus notre voyage avance, plus la situation se colore de différentes teintes de gris, pas seulement de noir et de blanc.

22 février 2011

Shigeaki Kinjo

Une autre belle rencontre aujourd'hui, à la fois touchante et tragique.
J'avais déjà entendu le témoignage de Shigeaki dans les trois émissions que Daniel Mermet avait consacré à la bataille d'Okinawa en juin 2010 sur
France inter.

Ce petit homme de 83 ans répète en boucle, année après année, son histoire, pour qu'elle serve de leçon aux générations futures, pour que le souvenir des horreurs de la guerre ne sombre pas dans l'oubli.
De mars à juin 1945, la bataille d'Okinawa qui opposa l'armée américaine à l'armée japonaise fut le plus important affrontement terrestre de la guerre du Pacifique. Le plus sanglant aussi : 250.000 Okinawaïens (essentiellement des civils), soit un quart de la population locale, furent tués pendant ces combats.
Ce que l'on sait peu, c'est que l'armée japonaise ordonna aux civils de se tuer et de tuer les leurs plutôt que de tomber aux mains des Américains. Aveuglés par la propagande de l'Empereur, de nombreux Okinawaïens obéirent. Comme Shigeaki. Il raconte presque de manière automatique maintenant comment il a tué à coups de pierre et de serpe ses parents, ses frères et soeurs.
Ce n'est que plus tard, en quittant l'île, notamment pour se consacrer à la religion catholique (il a été prêtre) qu'il a pris toute la mesure de ses actes.
Aujourd'hui, l'occupation américaine lui fait mal car elle rend tout deuil impossible. Mais il en veut tout autant aux autorités de Tokyo qui, 65 ans après, n'ont toujours pas reconnu leur implication dans ces "suicides collectifs". Même les livres scolaires ne mentionnent pas à ce jour cet épisode de la guerre. Shigeaki ne s'arrêtera pas de témoigner tant que ce révisionnisme sera toujours d'actualité dans son pays.

Pour beaucoup, Okinawa n'a jamais arrêtée de souffrir :
En 1872, l'île qui faisait partie jusque là du royaume indépendant de Ryukyu, est annexée par le Japon.
En 1945, la bataille d'Okinawa décime l'île et un quart de ses habitants
De 1945 à 1972, l'île est sous contrôle américain
En 1972, l'île est rendue au Japon mais subit depuis une occupation millitaire US

23 février 2011

M. Yamakawa et les vieilles dames

Le temps file à une vitesse ! Je peine à tenir à jour ce blog tellement nos journées sont remplies et épuisantes ! Mais c'est pour la bonne cause...
La plupart de nos rencontres concerne pour le moment le 3e, voire le 4e âge. La partie "djeuns" devrait bientôt prendre forme, notamment ce week-end. Pareil pour la cuisine traditionnelle : patience donc !

Retournons donc avec nos amis pré-centenaires...
Après 95 ans, c'est quand même très difficile de rencontrer des personnes âgées super actives, surtout qu'elles sont très protégées par les autorités (trop d'abus de la part de certains médias étrangers qui leur faisaient faire n'importe quoi). Dans le village d'Ogimi, "le village des centenaires", dans le nord de l'île, il faut par exemple débourser 100 euros si on veut tourner là-bas + 25e pour chaque personne âgée... Du racket ! Et le documentaire devient du cinéma...
On a donc du activer le réseau okinawaïen... Avec succès !
Grâce au Pr Suzuki, on a rencontré un homme formidable : Fumiyasa Yamakawa, 90 ans cette année !

Il est incroyable : chaque matin, il se lève à 4h et enchaîne selon les jours toutes sortes d'activités : en général une heure de sport sur la plage (stretching, yoga, jogging, lancer de poids (!), lancer de javelot et le must du must : le poirier !) puis au choix de la danse traditionnelle avec des jeunettes de 50 ans, de la calligraphie, du golf ou de l'haltérophilie...
Ca paraît fou mais à aucun moment il n'a cherché à nous impressionner. Tout ça est chez lui très naturel. Il n'arrête pas de rire, a une philosophie de vie géniale (ses lignes de la main indiquent qu'il aurait du mourir à 60 ans, du coup toutes ces années sont pour lui du bonus ! Il ne veut qu'une chose : le jour où la mort viendra, il souhaite que cela se fasse d'un coup, pof, sans prévenir, sans souffrance, tomber raide au milieu de son jardin (doki doki).

L'après-midi, on est allés dans l'équivalent d'une "maison pour tous" à Kitanakagusuku, une petite ville où les femmes vivent le plus longtemps au monde (on se dispute un peu les records à Okinawa !). Du coup, la mairie, consciente de ce potentiel, chouchoute ses vieux et communique à fond. On a donc assisté avec les vieilles dames du quartier à un après-midi "gym" puis "code de la route" (elles ne conduisent pas, c'est juste pour qu'elles évitent de se faire renverser...).
Et une star nous a honoré de sa présence : miss Kitanakagusuku 2011 : Yoshiko (dite "Anita") Oshiro, 90 ans (le Pr Suzuki a trouvé cette idée très intéressante et va peut-être la reproduire du côté de Naha !) !

Après la séance, on s'est assis et elles nous ont littéralement bombardés de questions ! C'est fou comme elles avaient envie de tout savoir... La question qui revient souvent c'est comment vivent les vieux en France, s'ils se réunissent, si on les estime...

Elles ont un peu halluciné quand on leur a parlé de la canicule de 2003. Inutile de dire qu'une chose pareille serait impensable à Okinawa.
La retraite "vers" 60 ans, la cuisine française ("un tout petit truc dans une assiette !"), les manifestations, la solidarité : elles étaient inépuisables !

Et bien sûr, impossible d'échapper à la photo de groupe "les mains sur les cuisses" !

24 février 2011

Le musée de M. Sakima

Sakima était médecin à Tokyo, acupuncteur très exactement. Jusqu'au jour où il se mit à soigner un peintre, Maruki, qui avait en tête de réaliser un immense tableau sur la bataille d'Okinawa de 1945. M.Sakima l'a soutenu, fait avec lui des recherches auprès des survivants et des historiens. Au bout de 10 ans, aucun musée ne pouvait accueillir cette oeuvre monumentale.
Sakima a donc tout simplement construit un musée sur la terre de ses ancêtres à Okinawa pour y abriter l'oeuvre. Une terre occupée par une base militaire dont il a pu récupérer une partie auprès des Américains au moment du renouvellement des baux (les terrains sont "loués" aux Okinawaïens même s'ils n'ont pas vraiment le choix de refuser).
Depuis, des cars entiers d'élèves affluent de tout le japon (Okinawa est une destination courante pour les voyages scolaires) pour visiter le lieu. A tel point que M. Sakima a du abandonner son métier pour se consacrer entièrement à son musée.
C'est fou l'énergie qu'il met à répéter 20 fois par jour la signification de l'oeuvre de Maruki et son message de paix à des jeunes interloqués qui ont de la peine à croire tout ce qu'ils entendent (comme le disait Shigeaki Kinjo, les manuels scolaires occultent encore toute une partie de l'histoire du Japon dont les "suicides" collectifs ordonnés par l'armée). Même les profs d'histoire semblent découvrir certains épisodes de la guerre !

Le musée est à Ginowan et au centre de la ville se trouve la base tant contestée de Futenma. Les avions militaires y décollent et y atterrissent sans arrêt dans un vacarme continu et infernal. La situation du musée Sakima, à deux pas des barbelés, n'en est que plus symbolique.

26 février 2011

Miam !

Vous êtes nombreux à vous impatienter : mais quand est-ce qu'on parle casseroles?
Aujourd'hui !
Grâce encore une fois à la Suzuki connection, on a pu assister à un cours de cuisine traditionnelle dans un genre de centre social à Urasoé. Fallait voir l'équipement, avec tables en inox, batterie d'ustensiles et plein de jolie vaisselle en vitrine : on pourrait y tourner une émission de cuisine...
La gastronomie d'Okinawa est très éloignée de celle de Tokyo (ça se confirme chaque jour : on n'est pas vraiment au Japon ici...) : aucun sushi à l'horizon mais des plats plus "campagne" à base de plantes et légumes locaux. Alors que le reste du pays décime les bancs de thon rouge, ici on préfère le porc qu'on fait longuement bouillir pour enlever la graisse.

Du thé vert bien sûr mais aussi beaucoup de tofu, cuisiné différemment, des algues et de temps en temps un petit verre d'Awamori, l'alcool de riz local (le vin rouge, plutôt sucré, est à éviter)...

De gauche à droite et de haut en bas :
Le sucre de canne
Le Beni imo, la patate douce locale
Le Hechima, collègue sans picots du Goya
Le Fuchiba (sorte de persil)
Le Quanso
La star d'Okinawa, le goya, le concombre amer bourré de vitamine C dont la saison commence à peine
Le Cobo
Le Handama

Le Chanpuru est un plat typique d'Okinawa. Un mélange de tofu, de légumes, de viande ou de poisson, comme le Goya Chanpuru ou le Fu Chanpuru (à base de pain et d'oeufs). Le Spam, qu'on voit partout remplace de plus en plus le porc dans ces plats traditionnels.
Et tout ne s'arrête pas au goût : à Okinawa, il faut que ce soit beau. Dans la tradition, on regarde pendant plusieurs minutes la nourriture avant de la déguster, histoire de se remplir l'esprit avant l'estomac.

Et chose très importante : on arrête de manger avant d'être rassasié, quand on est proche des 80% de remplissage. Du coup, on reste léger et actif après le repas !
Evidemment, impossible d'appliquer ce dernier principe : à 17 heures, il a fallu se mettre à table, le repas de midi pas complètement digéré, et rendre hommage à l'armada de cuisinières qui avaient oeuvré... Patrick et Daniel ont fait honneur mais cette montagne de nourriture, quoique délicieuse, c'était trop pour mon petit estomac !
Tout était super bon mais je pense que les fans français de cuisine japonaise seraient un peu décontenancés. Rien à voir avec tout ce que l'on connaît, même chez Tao ou Okaasan pour les Marseillais...

Et puis pour digérer tout ça, la soirée s'est poursuivie dans un bar très sympa de Naha qui fêtait son 15e anniversaire si je ne me trompe pas où Daniel a ses habitudes. Il y a des tas de petits lieux très chaleureux ici, à la déco épurée mais à l'ambiance cool et chaleureuse...
Et voici une photo de DJ Patrick et Daniel...

27 février 2011

Cartes postales

Notre périple à Okinawa n'étant pas totalement un enfer, voici quelques-uns des jolis paysages que l'on croise par ici. Certes, en été le ciel est bien plus bleu mais il fait aussi très chaud et c'est envahi de touristes...

Sur la côte ouest d'Okinawa avant Nago, à marée basse

Sur l'île de Tokashiki

Quatre chats par habitant...

Suicide cliff, lieu emblématique pour les surfeurs...

Avec les pluies à répétitions, on avait baissé la garde... Résultat : 10 minutes au soleil en bord de mer et le premier vrai coup de soleil de l'année ! De vrais touristes...

Impossible de comprendre Okinawa tant qu'on ne s'est pas glissé dans la peau d'un goya...

28 février 2011

Minoru Kinjo et l'awamori

Je crois que la rencontre avec Minoru restera longtemps gravée dans nos petites têtes...

J'ai rarement vécu une interview aussi interminable qu'inexploitable, entrecoupée toutes les 7 minutes en moyenne d'un ravitaillement en Awamori (l'alcool local) dans sa tasse à café (il est comme ça Minoru : on est en train de filmer et il se lève pour se resservir !).

C'est pourtant un personnage passionnant : un sculpteur autodidacte dont les oeuvres qui retracent des épisodes de la guerre, rappellent souvent celles d'Ousmane Sow. Son jardin en est envahi, c'est impressionnant...

Minoru fait partie des quelques Okinawaïens qui souhaitent l'indépendance de l'île. Côté économique, c'est totalement utopique (l'île est la préfecture la plus pauvre du Japon, qui vit sous perfusion grâce aux subventions de Tokyo. Contrairement aux idées reçues, les bases US ne rapportent presque rien) mais ils y croient.
C'est un personnage qui adore débattre, échanger des idées, qui regrette qu'Okinawa n'ait pas d'intelligentsia capable de mener une révolution. C'est un des rares Okinawaïens qui pense qu'une révolution est possible et qui en même temps ne supporte pas la passivité de ses compatriotes.
Il a adoré trouver en France des crottes de chien... Tout ici au Japon (même si Okinawa sort du lot) est pour lui trop propre, trop aseptisé, sans odeur.
Le repas de midi (accompagné d'awamori coulant à flots...) a été l'occasion de refaire le monde. On est passé de la consternation au plus grand intérêt en passant par des éclats de rire. A la fin de l'après-midi (je crois qu'il aurait fallu passer trois bonnes journées là-bas), on était devenus les meilleurs amis du monde. On est partis heureux mais en retard pour notre rendez-vous suivant et sans interview...
Et comme à Okinawa, le temps est aussi ingérable que Minoru Kinjo, la crève a suivi les coups de soleil de la veille. Conseil de Minoru (il n'est jamais malade) : quand on sent que le gros rhume menace, une solution : garder le plus longtemps possible des gousses d'ail dans les narines... Paraît que ça marche aussi entre les doigts de pieds pour les champignons... On vous promet de vérifier, un jour...

1er mars 2011

Mmmm... (encore !)

Deux petites choses à ajouter à la liste des petits délices d'Okinawa :

Des petits poissons (suku garasu) salés et croquants sur du tofu

Une pizza "spécial Okinawa" avec du Hechima et du Handama, pâte super fine... Incroyablement bonne! Les moitié-moitié anchois-fromage de chez nous n'ont qu'à bien se tenir ! Et en plus, l'endroit était idyllique : au milieu de la nature avec vue plongeante sur la mer...

2 mars 2011

Le OMW

Le OMW, c'est le "Okinawa Metabo working" du Dr Tanaka, la lutte contre l'obésité à Okinawa.

Quand on est gros à Okinawa, on est metabo et ce médecin reçoit dans son cabinet des tas de patients avec du diabète, des problèmes cardio-vasculaires et pas mal de kilos en trop.
Depuis la fin de la guerre et la présence américaine sur l'île, l'alimentation a complètement changé à Okinawa. A côté des plats traditionnels, on trouve du SPAM un peu partout, beaucoup de fast-food (le plus grand nombre par habitant de tout le Japon), des Taco-rice (une omelette fourrée au riz et avec pleins d'autres trucs et une belle déco à base de ketchup. C'est pas mauvais, mais pas léger du tout...) et d'autres recettes pas très équilibrées.

La plupart des Okianawaïens nés après la guerre ont toujours connu cette alimentation et ne se rendent pas vraiment compte que c'est mauvais pour leur santé. A tel point que l'île connaît depuis quelques années un inquiétant paradoxe : les personnes âgées nées avant la guerre ont conservé leurs bonnes habitudes et meurent souvent centenaires tandis que les générations d'après-guerre meurent de plus en plus tôt...

Chez le Dr Tanaka, nous avons rencontré Hiroshi, un informaticien free-lance de 40 ans, futur-ex metabo. Il a atterri dans son cabinet il y a 4 ans, alors qu'il pesait 90 kg pour 1m75 (ce qui est important à savoir c'est qu'au Japon, l'indice de masse corporelle est plus bas que partout dans le monde : un moyen gros chez nous est déjà très gros au Japon. La raison : on n'est pas faits pareils et la prise de poids chez un Japonais peut très vite s'avérer dangereuse). A l'époque, il était très stressé à cause de son boulot, avait pris beaucoup de poids, se nourrissait mal, avait une tension très haute et avalait des tas de médicaments qui ne lui faisaient aucun effet. Après avoir travaillé autour de l'alimentation avec le Dr Tanaka et être devenu un fou de sport, Hiroshi a déjà perdu 12 kilos.

Il est très représentatif de cette génération un peu paumée qui doit faire face au chômage sur une île pauvre. D'après le Dr Tanaka, l'île détient un nombre de records impressionnant : N°1 pour la longévité mais aussi pour le nombre de divorces au Japon et le nombre de suicides...
Notre autre rencontre, c'est un ami de Daniel, HiroKi, 25 ans. Son père américain et sa mère japonaise sont divorcés. Il vit encore chez sa mère et fait des petits boulots le week-end (il filme des mariages). Il a quitté Okinawa pendant 3 ans pour travailler à Nagoya dans une usine Toyota vu qu'il ne trouvait rien ici. Il est revenu, bien décidé à vivre à Okinawa mais sans travail stable pour le moment. Hiroki n'a pas de problème de poids mais comme Hiroshi, il est né au milieu des fast-food et de la culture américaine. Tout ça fait partie de lui et il aime ce mélange qui fait Okinawa (ici, en cuisine comme en culture, on parle de "Chanpuru", de mélange). Il ne sait pas trop quoi penser des bases militaires, voudrait plus d'américanisation mais tout en tenant à la culture traditionnelle.

Un vrai casse-tête ! Rien n'est simple ici, c'est une des grandes leçons de ce premier périple à Okinawa (souhaitons-en beaucoup d'autres !)... Pas que des méchants Américains éradiquant une culture ancestrale... Il y a aussi les Okinawaïens qui aiment cette culture, ceux qui s'en fichent et Tokyo qui regarde depuis toujours cette île d'un oeil dédaigneux...
C'est évident, je crois qu'il va falloir qu'on revienne... ;-)

3 mars 2011

Pas de nouvelles...

Après près de deux mois de démarches, des tas de formulaires remplis, des mails, encore des mails rédigés avec la plus grande connaissance de la psychologie militaire US (merci Seb!), des promesses, des formules de politesse à n'en plus finir, voilà le résultat : nous partons demain et l'armée américaine n'a toujours pas refusé de nous recevoir dans une base d'Okinawa mais n'a pas accepté non plus... C'était évidemment à prévoir mais on se devait au moins d'essayer.
Ce qui est "drôle" là-dedans, c'est quand on apprend (pas par les Américains...) qu'il existe une sorte de "black list" des pays "dont on n'a pas trop intérêt à faciliter" l'entrée dans une installation US au Japon. Et qui on trouve aux côtés de l'Iran et de la Corée du Nord? En plein dans le mille : la France !
Pour preuve, ce
document officiel déniché par un Français d'Okinawa dont je vous conseille le blog.
Bon, en tout cas, on survivra sans eux. Heureusement que les jeunes GI en sortie sont un peu plus bavards que leur administration...

Ainsi s'achève notre premier périple à Okinawa, riche en rencontres, en découvertes de toutes sortes. Après un rapide passage par Tokyo, nous rentrons les valises et les yeux pleins d'images magnifiques.

A suivre...

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